Votre bouche et votre nez

Saveurs primaires

Gout de l'eau du robinet - schéma récepteur saveurs

Emplacement des récepteurs des saveurs : 1) amer ; 2)acide ; 3) salé ; 4) sucré

Au XIXe siècle, le physiologiste Adolph Fick a défini quatre saveurs primaires ou fondamentales qui seraient liées à quatre types de récepteurs sensoriels et quatre localisations sur la langue :

  • sucré comme le saccharose (sucre) ;
  • salé comme le chlorure de sodium ou l'eau de mer ;
  • amer comme la quinine ou l'amande;
  • acide comme le citron.

Certaine théories font appel à un autre type de goût (l'umami, que l'on trouve dans un sel : le monoglutamate de sodium), et d'autres à une conception moins segmentée et plus synthétique, basée sur une perception globale.

Ainsi dès 1939, Carl Pfaffmann a remis en cause cette classification traditionnelle, mais il a fallu attendre 1980 pour que l'on démontre définitivement que les molécules sapides sont toutes reconnues de manière spécifique par le cerveau.

Selon Hanig (1901), les goûts primaires sont perçus par toutes les papilles, quelle que soit leur localisation, mais la sensibilité à un goût particulier est plus grande dans certaines régions de la langue:

  • l'amer en arrière du V lingual (base) => nerf glosso-pharyngien ;
  • le salé par la pointe et les bords de la langue (en avant du V lingual) => nerf lingual / corde du tympan / nerf facial ;
  • l'acide par les bords de la langue => nerf lingual / corde du tympan / nerf facial ;
  • le sucré par la pointe de la langue => nerf lingual / corde du tympan / nerf facial.

La classification des goûts en quatre goûts primaires est réductrice. Il y a d'autres saveurs qui n'entrent pas dans cette classification :

  • saveur astringente (airelles, thé, tanins) ;
  • saveur piquante (piment, gingembre) ;
  • saveurs métalliques ;
  • saveur grasse ;
  • saveur de l'amidon.

En outre, les réponses gustatives varient selon les individus. Ainsi, par exemple, le goût du phénylthiocarbamide (saveur amère) n'est pas perçu par environ 35 % de la population. Les molécules sapides ne génèrent une sensation qu'au-delà d'une certaine concentration, on parle de seuils de détection.

  • salé : 10 mM ;
  • sucré : 10 mM (saccharose 20 mM) ;
  • acide : 900 µM (acide citrique 2 mM) ;
  • amer : 8 µM (quinine 8 µM, strychnine 100 nM).

Les saveurs amères sont celles qui ont le seuil de détection le plus bas. Avantage adaptatif possible si l'on considère que la plupart des poisons végétaux sont amers.

Notions apparentées

La sapidité ne constitue environ que 10% de l'ensemble des informations sensorielles perçues lors de la mise en bouche d'un aliment. Outre la texture et la température des aliments, entrent également en ligne de compte:

  • flaveurs : l'olfaction rétro-nasale c'est-à-dire l'excitation des récepteurs olfactifs du nez par des molécules dégagées lors de la dégustation, ou simplement lors de la déglutition. Le sens de l'odorat entre ainsi en jeu dans la détermination des saveurs: un nez « bouché » suite à un rhume réduit considérablement la faculté de goûter, car cela empêche la circulation rétro-nasale et donc l'identification des caractéristiques aromatiques.
  • piquant : activation de récepteurs de la douleur par certaines molécules comme la capsaïcine du piment ou la pipérine du poivre.
  • fraîcheur : activation des récepteurs du froid de la cavité buccale par une réaction chimique endothermique, comme la dilution d'une molécule de menthol dans l'eau, par liaison directe de la molécule de menthol avec un canal ionique de type TRP (TRPM8) également activé par le froid indolore (températures comprises entre +5 et +30°C).
  • astringence : activation des récepteurs tactiles par une action de resserrement des tissus sous l'action de certaines substances comme les tanins du vin.

Le vocabulaire français entretient une confusion au niveau du terme « goût » car, dans le langage courant, on dit par exemple « goût de fraise » ou « goût de fumée » pour désigner des arômes, lorsqu'ils sont perçus par rétro-olfaction. Le terme arôme, qui conviendrait en l'occurrence, est sous-utilisé et souvent compris comme arôme ajouté ou même synthétique (comme dans « chewing-gum arôme banane »). De plus, dans certaines circonstances, le terme arôme serait très surprenant (on dit « ce vin a un goût de bouchon » plutôt que « ce vin a un arôme de bouchon », alors que, sensoriellement parlant, cette dernière formulation serait la bonne. On pourra parler d'un « vin bouchonné » pour résoudre le dilemme). Le sens du mot goût varie donc selon son contexte.

Le goût, cela s'apprend

Le goût est très culturel, il est très dépendant des habitudes alimentaires : un enfant, par exemple, qui a été habitué à manger sucré, et à grignoter dès son plus jeune âge, aura énormément de mal à changer d'habitudes : tout ce qui est un peu amer par exemple fera l'objet d'un rejet. D'autant que tout ceci commence dès la gestation : le foetus/enfant est habitué à recevoir des molécules liées aux aliments consommés par sa mère.